Après l’initiative prise par Buffer, société américaine spécialisée dans le community management, le sujet de la transparence salariale semble devenir de moins en moins tabou. Smarkets, une PME britannique, déploie elle aussi une telle politique à travers un système dans lequel les employés sont encouragés à faire leurs demandes d’augmentations démocratiquement et à proposer eux mêmes leur salaire. Voici comment s’articule leur nouvelle dynamique.
Salaires : Une décision collective
Chez Smarkets, société spécialisée dans les paris en ligne, les employés formulent officiellement leurs demandes en joignant les références et propositions de cinq de leurs collègues. Une véritable enquête est alors mise en place avec des discussions collectives concernant leurs référents, différents critères et caractéristiques, avant d’établir une comparaison avec l’ensemble du secteur au niveau du marché du travail. Si le salaire qui leur est attribué par la suite ne leur correspond pas, ils sont alors invités à le décider eux-même. Cette seconde alternative reste cependant peu commune puisque les employés en question doivent alors justifier la différence entre le montant qui leur avait été proposé, et celui qu’ils ont fini par se fixer. De plus, Angeline Mulet-Marquis, ingénieure en informatique chez Smarkets, témoigne que “la plupart obtiennent ce qu’ils demandent”.
La stratégie de la transparence
Au delà des bienfaits sur ses collaborateurs et leurs relations internes, l’exercice de cette politique de transparence salariale permettrait à Smarkets de mieux s’équiper face à la concurrence, afin d’attirer les meilleurs talents et potentiels. Il s’agit donc d’une véritable stratégie marketing lui permettant de renforcer sa marque employeur grâce à des salaires plus compétitifs, une démocratie plus accrue, et un véritable accent de justice et d’égalité.
En effet, pour Susana Pinto, responsable des ressources humaines à Smarkets, “ce qu’il y a de bien avec la transparence salariale, c’est que, par défaut, elle permet l’équité dans l’entreprise“. Son commentaire rappelle la série de mini-scandales qui a eu lieu ces dernières années concernant les conditions de travail des employés, dont l’affaire BBC. L’institution britannique qui produit et diffuse des programmes de radio-télévision fut contrainte, en 2017, de révéler les salaires de ses employés. Ainsi, des écarts et inégalités au niveau de la rémunération avaient été mis en lumière. Angeline Mulet-Marquis ajoute : “Je pense que ça marche plutôt bien, surtout parce que nous embauchons des gens qui sont très investis dans l’entreprise (…) et qui veulent être bien payés”.
Une transparence salariale qui évolue, tout en faisant débat
Jusqu’en 2015, des études ont montré qu’environ 37% des français connaissaient les salaires de leurs collègues de travail. Julien Dray, membre du parti socialiste avait d’ailleurs été en faveur d’une “loi qui permette la publication de tous les salaires dans une entreprise”, ce qui avait été considéré comme “une bonne idée” par Marlène Schiappa (secrétaire d’Etat en charge de l’égalité hommes femmes).
Aujourd’hui, les entreprises françaises se lancent de plus en plus dans la politique de transparence, c’est par exemple le cas de Lucca, une société de logiciels dédiés aux ressources humaines qui n’hésite pas à publier les salaires de ses employés, et à en décider collectivement. Gilles Satgé, PDG de l’entreprise, affirme : “Notre idée, dans un esprit start-up, c’est de prendre les gens pour des adultes, de ne pas les infantiliser, de leur faire confiance“.
Ceci dit, les opinions concernant cette pratique varient. Todd Zenger, professeur de stratégie à la David Eccles School of Business n’est pas d’avis favorable puisqu’il pense que la transparence à ce niveau peut provoquer des conflits en interne, une perte de motivation et de productivité. Pour Buffer, ces problèmes ont déjà tendance à avoir lieu et la transparence pourrait justement permettre de les régler.
Visiblement, en France, la pratique de la transparence salariale évolue lentement, mais sûrement.
Auteur(s)
- Change the work
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