L’innovation RH est un sujet de plus en plus important pour les entreprises et de nombreuses directions apparaissent pout traiter ces sujets. Nous avons rencontré Mathilde Le Coz, directrice de l’innovation RH de Mazars qui nous a parlé de son quotidien et des dernières innovations mises en place par elle et son équipe :
Nous avons créé officiellement le département innovation RH chez Mazars il y a bientôt 3 ans. Cela comportait, pour nous, deux gros chantiers :
- Un chantier qui concerne toute l’innovation de la politique RH en tant que telle, aussi bien en termes de marque employeur qu’en politique interne.
- Un autre chantier qu’est le département des Ressources Humaines au service de la conduite du changement et donc comment pousser l’innovation interne. Sur ce sujet, nous intervenons sur ce qui va concerner l’humain : “comment engager tous les collaborateurs dans la démarche d’innovation interne”. Et cela va se matérialiser par de nombreux évènements d’innovation participative et d’intelligence collective comme par exemple des hackathons (évènement où de nombreuses personnes se retrouvent pour réfléchir et innover sur un sujet).
Une direction de l’innovation RH pour attirer les talents
Il y avait une forte attente générationelle sur ces sujets-là. Dans les différentes recherches à travers le monde sur cette génération, l’innovation revient régulièrement comme un facteur d’attractivité et surtout comme un facteur de rétention. En effet, ces générations ont vraiment envie d’être acteurs d’un changement, aussi bien au niveau de la société en tant que citoyens que dans leurs entreprises en tant que collaborateurs. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils sont très attirés par le modèle des startups. Ensuite, nous sommes sur des métiers très compétitifs en terme d’embauche. En effet avec nos concurrents, les Big 4, nous rémunérons de la même manière, nous faisons le même métier et ce qui va vraiment nous différencier les uns des autres, ce sont nos politiques RH : quelles valeurs comptent pour nous ? Quelle expérience salarié ils vont vivre ?
Le facteur déterminant dans leur choix est donc souvent l’impact RH sur lequel nous avons un enjeu de différenciation très important.
Personnellement, je crois beaucoup à l’expérience salarié, et aujourd’hui on voit bien que le rapport de force est totalement inversé, on est en séduction perpétuelle par rapport à nos collaborateurs. S’ils ne vivent pas bien leur expérience chez Mazars, ils ne resteront pas, c’est donc à nous de leur donner envie de rester. Pour cela nous devons avoir une politique RH attractive, moderne et digitale. Les quelques années qu’un collaborateur passe chez Mazars doivent être les plus apprenantes, les plus funs et les plus impactantes dans sa vie professionnelle.
Et évidemment, tout cela commence dès le recrutement : finalement l’expérience candidat fait aussi partie de l’expérience salarié. Nous avons donc travaillé à être plus innovants dans notre recrutement : une chatbox, de la réalité virtuelle et de nombreuses autres initiatives. Le digital est un fabuleux levier car avec des petits moyens, on peut faire des choses incroyables.
Puis pour que cela fonctionne vraiment, ça doit continuer dans l’expérience salarié. On va donc travailler aussi bien sur le processus d’évaluation, la façon de former les gens, la façon d’identifier les talents que sur tout ce qui va concerner l’équilibre de vie des collaborateurs.
L’expérience salarié, une démarche marketing des Ressources Humaines
Je parle d’ “expérience salarié” car je pense de plus en plus que la direction des Ressources Humaines doit être dans une démarche de marketing. Il faut cibler les attentes comme sur un marché, comprendre les attentes de nos collaborateurs pour mieux communiquer avec eux et surtout itérer en fonction des retours de ces derniers.
Nous devenons donc plus agiles dans la création de nos programmes, en voici quelques-uns :
- Mazars Life : bien-être et équilibre de vie au sens large
- Digital @Mazars : pour accompagner la transformation numérique
- Engage @Mazars : notre programme RSE pour responsabilité nos collaborateurs dans une démarche citoyenne.
Chaque programme va être marketé comme n’importe quel produit et l’objectif est d’y embarquer la majeure partie des collaborateurs. Surtout, nous allons essayer d’emmener tous les collaborateurs pour co-construire les programmes avec nous. Finalement, nous ne sommes que des chefs d’orchestres et ce sont eux qui créent ce dont ils ont vraiment besoin.
L’innovation RH au service de l’innovation au sens large
Aujourd’hui, du fait de la transformation numérique, toutes les entreprises cherchent à pousser l’innovation. Et nos métiers ne sont pas épargnés. Nous avons donc que nous avons intérêt à être en avance sur ces sujets..
Face à cela, nous sommes convaincus que ce sont nos talents qui nous apporteront les réponses que l’on cherche. Nous pouvons, bien sûr, aller chercher des experts à l’extérieur mais ce serait dommage de se priver de notre vivier de talents qui peuvent être acteurs de l’innovation. Et pour cela, il nous faut d’abord un changement d’état d’esprit, de culture d’entreprise mais aussi de culture tout court puisque le système éducatif français ne pousse pas forcément aujourd’hui au risque. De plus, nos métiers, par nature très processés, ne permettent pas beaucoup de créativité.
Si nous voulons que nos collaborateurs soient acteurs de l’innovation, nous devons l’organiser, les acculturer, former, sensibiliser..
Nous avons récemment créé Innove Inside, un programme pour les aider à innover. Avec ce programme, nous avons mis en place “BIM” par exemple, qui est notre Boite à Idée Mazars. C’est une application mobile qui permet à nos collaborateurs de proposer une idée ou de voter pour d’autres. Et il n’y a pas de modération à priori ; si l’idée est sponsorisée par la majorité des collaborateurs, de fait il faut qu’on l’accepte comme bonne ou du moins à tester. Ce n’est pas à nous de dire si c’est bien ou non, c’est ce qu’ils veulent. Encore une fois, c’est la même logique que dans le service marketing, le marché veut « ça », c’est « ça » que l’on doit faire. Et parfois, ce n’est pas faisable pour des raisons pratiques, techniques ou de règlementation, mais même dans ces cas là, nous préférons laisser le collaborateur aller jusqu’au bout de son idée pour s’en rendre compte lui-même et peut-être la faire ensuite pivoter pour arriver à quelque chose de faisable.
A côté de ça, nous avons créé Booster Inside, un programme d’incubation, d’accélération avec des coachs qui vont les accompagner sur leurs idées, les challenger et les aider à convaincre en interne. Parfois, cela leur permet de remettre en cause ce qu’ils proposent pour vraiment l’adapter au marché. Ceux qui vont jusqu’au bout pourront pitcher leur idée devant un jury qui les aidera ensuite à financer et mettre en place leur projet. Tout cela, ils le font sur leur temps de travail.
Plus que jamais aujourd’hui, quelqu’un capable de naviguer à vue, qui n’a pas peur du changement et qui est même excité par le fait de ne pas connaître demain est fondamentalement un talent pour nous ; alors qu’il y a 10 ou 15 ans, ce n’était pas le cas. Pourquoi ? Car nous avons besoin que nos associés soit capables de se dire : « mes offres vont évoluer, mes clients vont évoluer donc je dois être très agile et je dois m’adapter moi aussi ».
Finalement, ce sont ces programmes d’innovation interne qui nous permettent d’identifier les gens qui s’amusent à ça, qui sont naturellement à l’aise et qu’on va pouvoir accompagner pour accéder à l’association.
Auteur(s)
- Sarah Akel
Rédactrice en chef de Change the Work, j'explore le travail sous toutes ses coutures en espérant montrer l'importance du métier RH dans l'entreprise de demain...