L’évolution de l’environnement de travail prédite pour 2040 par le futurologue Michell Zappa en collaboration avec le groupe Brother, chargé du partage et de la gestion de l’information et du document, sous-entend l’ébauche d’une ère où technologie et innovation sont maîtres du jeu. Les robots de téléprésence enchanteront les bureaux dont les papiers peints changeront de couleur selon les heures, l’intelligence artificielle sera la base des futurs systèmes automatisés, la réalité virtuelle et ses qualités d’immersion y seront intégrés partout tandis que les écrans électroniques seront plus flexibles et transparents. En attendant que ces hypothèses soient confirmées, et dans le but de construire un avenir où l’espace de travail accompagne efficacement les mutations professionnelles et entrepreneuriales tout en prenant en compte les aspirations et le bien-être des acteurs qui y contribuent (c’est-à-dire, tous les travailleurs), il est important de relever les inconvénients du présent. Certains, il parait, sont en rapport avec les open spaces.
Aujourd’hui, environ 55% des salariés en France partagent des bureaux collectifs tandis que 33% des actifs se voient équipés de bureaux individuels. Les enquêtes sur ces nouveaux espaces de travail ne sont pas nombreuses pour l’instant mais, justement, selon l’étude menée par l’Observatoire ACTINEO et l’Institut CSA en 2014, le type de bureau occupé par les collaborateurs joue un rôle important dans leur satisfaction à l’égard de l’environnement de travail. 88% des français qui bénéficient de pièces fermées à eux seuls sont satisfaits contre 67% qui travaillent dans un open space. Quels sont les inconvénients qui creusent cette différence et pourquoi est-ce que ces espaces dits “ouverts” ne font pas le bonheur de tous ?
Déconcentration et problèmes de santé : les inconvénients qui fatiguent
39% des français dont 56% en open spaces estiment que leurs entreprises n’accordent pas assez d’importance à l’aménagement des espaces et seuls 52% sont satisfaits des espaces dédiés à l’isolement. Malgré les efforts dédiés à créer des possibilités de détente et de restauration, seulement 49 à 56% des collaborateurs en sont contents. D’une part, si les salariés britanniques ne sont pas, en majorité, dérangés par le niveau du bruit dans les bureaux paysagers, les nuisances sonores constituent une des raisons principales de mécontentement en France (52%). Cette organisation privilégie les modes de fonctionnement collectifs et le travail en équipe, mais entraîne cependant pour beaucoup des problèmes de concentration, ce qui ralentit l’accomplissement des tâches, et le rend plus difficile.
D’autre part, le “Scandinavian Journal of Work, Environment and Health” affirme que les absences pour maladies sont significativement plus élevées dans les locaux d’entreprises à open spaces que dans celles qui bénéficient de bureaux cellulaires. Il y a 50% de plus de jours d’absence de maladies dans la première, ce qui revient à dire que les collaborateurs sont deux fois plus exposés aux germes dans les bureaux partagés que privés. Cette conclusion pèse en terme de qualité de vie et de santé au travail pour les employés, mais aussi sur le plan économique pour l’entreprise. « Il est donc inutile d’offrir aux collaborateurs plus de flexibilité dans la gestion de leurs temps et lieux de travail si l’on n’a pas répondu de façon satisfaisante au besoin de s’isoler pour se concentrer », commente Flore Pradère, Responsable Recherche Entreprises chez JLL France.
Inconvénients des open spaces dynamiques : les cas Accenture et Sanofi
Une guerre de territoire ? Ces espaces qui ont vu le jour depuis les années 80 sont parfois dynamiques dans le sens où non seulement les bureaux ne sont plus attitrés, ils ne sont pas fixes non plus, ce qui pour certains, constituent une réelle compétition. Chez Sanofi, un des géant du secteur de la santé, c’est 8 postes pour 10 collaborateurs. François de Font-Réaulx, le DRH de Sanofi France explique : “Vous arrivez le matin, et vous vous mettez où vous le souhaitez, dans l’espace dédié à votre équipe, y compris les chefs. C’est premier arrivé premier servi.” S’il a réussi à s’adapter à cette nouvelle organisation, ce n’est pas le cas de la représentante CFE-CGC, Cécile-Le-Dez, pour qui le fonctionnement ne paraît pas efficace : “On se balade avec son ordinateur qu’on va chercher le matin dans une armoire dédiée, comme à la piscine. Il faut prévoir 10 minutes pour trouver une place et s’installer”.
Chez Accenture, entreprise internationale de conseil et de technologies, c’est le même souci. Jérôme Chemin, un de leur représentants CFDT (Confédération française démocratique du travail) déclare avoir vu des associés bloquer des salles, et poser un sac ou un manteau sur une table. Il compare ces actions à un film western avec des luttes de territoire qui, généralement, créent des tensions. Nayla Glaize, une de leur consultante CDG, affirme même que certains collaborateurs ont dû rentrer pour travailler à partir de chez eux alors qu’ils n’étaient pas en situation de télétravail.
Au pôle communication digitale chez Sanofi, Delphine Olawaiye évoque la fusion et le mélange de tous les membres des équipes : “Les relations hiérarchiques entre les personnes sont plus assouplies. C’est plus simple parce qu’on est tous au même bureau. Qu’on soit manager, stagiaire ou collaborateur cadre, c’est intéressant de trouver une aide insoupçonnée chez des collègues qui font partie d’une autre équipe”. Ceci dit, pour Elisabeth Pélegrin-Genel, architecte et psychologue du travail, ces open spaces constituent un nouveau dispositif de contrôle qui fonctionne grâce à la promiscuité, ce qui fait de chaque collaborateur un surveillant, mais aussi un surveillé. Selon l’enquête JLL-CSA publiée en 2015, 1 salarié sur 2 dit devoir être visible au bureau pour que son manager perçoive qu’il travaille.
Peut-être serait-il quand même dommage de se passer des avantages des espaces ouverts. Flore Pradère suppose que “les salariés ont une vision binaire des espaces de travail. Ils opposent bureau individuel fermé et open space, sans entrevoir le champ des possibles entre ces deux types d’aménagements. Pourtant, l’entreprise peut mettre à leur disposition nombre d’espaces variés et hybrides permettant de répondre à leurs différents besoins.”
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