La crise de la Covid-19 est passée par là : plus de trois mois après « la réouverture des open-spaces » la rétention des salariés est (re)devenue un enjeu capital pour les entreprises. De nouvelles habitudes ont été prises et les attentes d’une grande partie de vos collaborateurs ont changé !
Gare aux DRH qui sous-estiment cette phase de transition et de remise en cause de certaines pratiques qui, pourtant, semblaient gravées dans le marbre, sous peine de voir certains de leurs meilleurs éléments prendre la poudre d’escampette.
Le retour au bureau est en effet très mal vécu par une partie des salariés et surtout des cadres supérieurs qui, parvenus à un certain niveau d’autonomie, perçoivent le retour au bureau comme une contrainte et une régression. « Travailler sur la rétention des talents ou l’attractivité en cette période post-crise est fondamental, estime Audrey Richard, présidente de l’ANDRH et directrice des ressources humaines du groupe Up. Déjà, les entreprises qui ont imposé ou imposent un retour sur site trop brutal sans proposer de travail hybride auront du souci à se faire. »
Un premier constat s’impose donc : au-delà de la distance, la manière de travailler a considérablement évolué. Les équipes ont été obligées de s’adapter très rapidement à une situation de crise, elles ont trouvé en elles-mêmes les ressources pour faire face à l’adversité. Aujourd’hui, elles souhaitent que cela continue et le retour dans un cadre de travail fermé serait là aussi très mal vécu.
Flexibilité
Accorder davantage de flexibilité aux collaborateurs est le premier réflexe de survie en ce qui concerne la rétention des talents. Le nombre de jours de télétravail et la possibilité de s’organiser en faisant la part belle à sa vie personnelle font aujourd’hui partie des premiers critères de choix pour les candidats. Selon la dernière enquête Nibelis, 29 % des candidats aspirent à davantage de flexibilité horaire, plus d’un quart des collaborateurs souhaitent une automatisation croissante des tâches et 18 % se projettent dans des lieux de travail plus variés.
Pour retenir certains de leurs talents, certaines entreprises sont même passées en full remote. Mais là encore, il faut aller au-delà des clichés habituels sur le travail à distance : full remote ne veut pas dire travailleurs nomades ou freelances. Pour Anthony Lambert, l’un des cofondateurs de Boond Manager (ERP de gestion de projet), entreprise qui pratique le full remote afin de fidéliser ses développeurs notamment : « Il ne faut pas confondre 100 % télétravail avec entreprise libérée ou travailleurs indépendants. Nous sommes une entreprise avec des horaires ! »
Chez Boond, chaque collaborateur travaille de chez lui, mais pas de la plage ou de sa maison de vacances. Chez Boond Manager, tous les collaborateurs travaillent ainsi de 9 h à 18 h et se disent bonjour via Slack tous les matins avant de commencer à travailler, et au revoir tous les soirs. Comme dans une vraie entreprise. Certains terminent plus tôt pour récupérer les enfants, par exemple, mais les horaires sont cadrés. « C’est important, car on ne se voit pas en face à face, donc on doit savoir que l’on peut se joindre facilement quand on est au travail », explique Anthony.
Réinventer le vivre ensemble
L’expérience collaborateur est le second sujet brûlant lorsque l’on parle rétention. Le fameux « vivre ensemble » cher aux hommes politiques en campagne refait surface sur le lieu de travail. C’est ainsi que l’entreprise Eurécia (outils SIRH et gestion de paie) a mis en place un outil dédié à la mesure interne afin d’apprécier le bien-être au travail et de réaliser des sondages, des enquêtes terrain pour comprendre et construire avec les collaborateurs une stratégie autour du bien-vivre ensemble.
Deux sondages ont notamment été menés sur la vie après la Covid et sur la question du rôle du télétravail et du bureau. Impliquer, expliquer et codécider semblent être la nouvelle devise post-Covid.
Pour favoriser le dialogue post-Covid, la PME a également mis en place des ateliers dans ses salles de réunion avec des activités diverses, comme le sport ou les loisirs créatifs. Des partenariats ont été noués avec les clubs sportifs locaux pour permettre aux salariés de bénéficier des installations. Un club de jardinage a également été créé. Parmi toutes ces initiatives, la moitié d’entre elles ont été abandonnées après une période de test. Les autres ont été entérinées et leur suivi assuré. « Nous sommes dans l’itération permanente pour coller aux nouvelles attentes post-Covid », confie Louise Robitail la DRH.
Apprendre
Retenir ses meilleurs talents, c’est aussi leur donner la possibilité de continuer à apprendre tout au long de leur carrière. Former, c’est rendre les collaborateurs autonomes, indépendants, plus épanouis et donc plus efficaces. Apprendre, c’est se projeter dans l’avenir de manière plus sereine, même si l’environnement extérieur semble des plus incertains. Avec des formations adaptées aux besoins de vos collaborateurs, vous leur offrez un socle de stabilité appréciable en temps de crise et vous vous donnez la chance de retenir les meilleurs plus longtemps.
N’oublions pas que, depuis le début de la crise sanitaire, plus de 22 % des salariés ont entrepris une reconversion professionnelle et 35 % pensent changer d’employeur dans les douze prochains mois pour faire « autre chose ». Ce chiffre est parfois utilisé comme un contre-argument par certains : pourquoi former un collaborateur qui ira mettre à profit ses nouvelles compétences ailleurs ? La réponse est : si vous ne les formez pas, ils partiront encore plus vite !
Chez Mazars, les employés accèdent désormais à une plateforme collaborative qui leur permet de soumettre des idées pour développer de nouveaux modules de formation. Chacun peut voter pour l’idée qui lui semble la plus intéressante. Un jury étudie ensuite la faisabilité des projets de formation qui ont remporté le plus grand nombre de suffrages. Mettre en place une telle stratégie de rétention permet à l’entreprise d’impliquer l’ensemble des salariés et de conserver ses meilleurs éléments.
Empowerment !
Et l’argent, dans tout ça ? Là aussi, les attentes ont changé. Bien sûr, le niveau de rémunération fait toujours partie du top 5 des priorités des salariés français. Mais pour retenir ses talents, l’entreprise doit être capable de donner à ses collaborateurs les moyens de se développer individuellement et pas seulement un salaire mirobolant ou un poste ronflant.
Selon Alia Khattab, director talent acquisition chez ServiceNow, « Les jeunes générations n’attendent pas forcément une promotion à un grade supérieur, mais une diversification et un enrichissement de leurs projets. » Les jeunes talents veulent se responsabiliser, apprendre et bénéficier d’une certaine autonomie.
C’est tout l’enjeu de l’empowerment des collaborateurs, LE grand sujet RH actuel et à venir en ce qui concerne la rétention et que la crise sanitaire a fait émerger au tout premier plan. Un enjeu à double tranchant qu’il faut manier avec précaution donc pour ne pas confondre autonomie et multiplication des cas particuliers.
Auteur(s)
- Sarah Akel
Rédactrice en chef de Change the Work, j'explore le travail sous toutes ses coutures en espérant montrer l'importance du métier RH dans l'entreprise de demain...