Entreprise libérée, un bel exemple de mise en place chez Talent.io

Entreprise libérée expérimentée par Talent.io

La notion d’entreprise libérée a été définie par Isaac Getz dans son article académique de 2009 Liberating leadership: How the initiative-freeing radical organizational form has been successfully adopted, dans lequel il décrit « une forme organisationnelle dans laquelle les salariés sont totalement libres et responsables dans les actions qu’ils jugent bon — eux et non leur patron — d’entreprendre ». Pour permettre la liberté et la responsabilité des salariés, la libération d’entreprise remet en cause des pratiques organisationnelles qui les empêchent comme par exemple le management.

C’est le chemin qu’a choisi Talent.io, une jeune startup qui a révolutionné le recrutement de profils techniques en inversant le paradigme et en faisant en sorte que ce soient les entreprises qui postulent pour recruter des développeurs et non l’inverse. Nous avons rencontré son fondateur, Jonathan Azoulay pour échanger sur leur modèle de management :

Jonathan Azoulay, CEO de Talent.io nous parle d'entreprise libérée
Jonathan Azoulay, CEO de Talent.io

Chez Talent.io, nous avons choisi le modèle d’entreprise libérée ensemble, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de managers et que les décisions sont prises de manière collective.  Nous avons défini des valeurs très claires. En fait, nous avons même eu un processus de définition de ces valeurs. Ceci en écoutant les retours de chaque collaborateurs sur leur poste et leur manière de travailler. Grâce à ces feedbacks, nous avons compris ce qui ne fonctionnait pas bien jusqu’alors et nous avons créé nos propres valeurs.

Dans nos valeurs, vous trouverez par exemple le “ownership”, c’est-à-dire, la prise d’initiatives et l’autonomie de chaque collaborateur. Pour mettre en place cette valeur, nous avons créé un système de rôles, notamment. Les rôles permettent, sur des situations données, de donner une responsabilité à un volontaire qui souhaite la prendre pour qu’il monte en compétences sur le sujet. Il portera donc la responsabilité du sujet et pourra le faire grâce à un processus écrit en amont.

Entreprise libérée et Management

Mais alors s’il n’y pas de manager, qui accueille les nouveaux collaborateurs et les forme à leur arrivée ? 

C‘est aussi un rôle. S’il y a un nouvel account manager qui arrive le mois prochain par exemple, je vais aller voir toute mon équipe d’account manager pour les informer de son arrivée et leur demander si quelqu’un souhaite prendre le rôle de l’ “onboarding” de ce dernier. Celui qui acceptera de prendre ce rôle devra suivre le nouvel arrivant pendant les deux premiers mois, lui fixer tout le plan de formation, puis déléguer une par une les formations à toutes les autres personnes de l’équipe. Son rôle va être de s’assurer que tout soit fait mais aussi d’être à l’écoute de cette personne et de la coacher si besoin.

Et tout ce rôle est documenté, la personne qui le prend est donc accompagnée dans toute sa démarche. Nous utilisons un système qui s’appelle Nuclino et qui nous permet d’intégrer tous les processus. C’est une sorte de wiki d’entreprise. Nous utilisons aussi beaucoup Trello pour les rôles, et Slack pour la communication d’équipe.

Le management a, pendant des années, été vendu comme une sorte de récompense ; Comment faites-vous, sans cette possibilité, pour récompenser ces personnes qui s’impliquent un peu plus que les autres ?

En fait ce rôle d’ “onboarding”, on le donne un peu comme une récompense et je me suis rendu compte que les gens étaient très fiers quand ils l’avaient.

En fait on a juste disséqué complètement le rôle du manager, et on a donné des micro-parties de ce rôle-là, de ces tâches là, à tous les collaborateurs qui le souhaitent. Du coup tout le monde se sent impliqué… Et l’équipe sait que pour avoir des opportunités au sein de l’entreprise, prendre des rôles est une bonne manière de prouver leur implication. Par exemple, récemment nous avions un membre de l’équipe de talent advocate qui prenait beaucoup de rôles et qui nous aidait beaucoup. Du coup, quand nous avons grossi et que nous avons eu besoin d’une RH, nous avons pensé à elle.

Finalement des opportunités se créent grâce aux rôles et nous décidons à qui donner ces opportunités selon l’implication et la bonne application des rôles. Pour nous, c’est la meilleure preuve de l’altruisme envers l’entreprise.

Entreprise libérée et information

Le manager a aussi un autre rôle : celui du partage d’informations : quand on est 40 collaborateurs, comment fait-on pour que l’information passe et qu’elle ne soit pas perdue ou transformée ?

C’est très simple : quand on donne une mission à quelqu’un, on lui donne un processus avec. Par exemple, si quelqu’un doit construire une formation sur la qualification des candidats, il ne va pas juste la créer et la mettre en ligne, ce n’est pas ce que nous souhaitons. Nous voulons que tout le monde soit impliqué dans cette mission et la personne qui est en charge de le faire doit passer par ce qu’on appelle l’ “advice process” : elle doit aller voir toutes les personnes potentiellement concernées par cette formation pour recueillir le feedback et les idées de chacun, puis il va agréger un contenu pour créer la formation. Il pourra éventuellement faire des aller-retours. L’objectif est, qu’à la fin, le contenu ait intrinsèquement été validé par les personnes qui vont êtres concernées, pour ne plus qu’il y ait de décisions qui soient prises de manière autocratiques.

Les bureaux de Talent.io
Les bureaux de Talent.io

Talent.io, une startup en pleine croissance

Aujourd’hui, où en-est Talent.io dans son évolution ? 

Quand on est passé de 1 à 20 collaborateurs, nous avons mis en place les valeurs, l’autonomie, les rôles et les responsabilités. Nous avons bien ancré notre modèle d’entreprise libérée. Le modèle semble continuer à fonctionner jusqu’au stade où nous sommes aujourd’hui, 40 collaborateurs.

Je me demande jusqu’où on va tenir sur ce modèle-là. Je pense qu’on va continuer à tenir sur un modèle “flat” (sans hiérarchie), par contre je me pose des nouvelles questions concernant la culture startup, l’autonomie complète, le “trop d’autonomie”. Je ne pense pas que ce soit la vraie bonne solution pour garder une motivation importante avec des personnes qui ont un impact et qui sont drivés par la réussite.

J’essaye donc aujourd’hui de trouver un bon équilibre pour avoir un univers qui soit compétitif, qui permette d’aller penser à chaque détail,  qui permette aux gens de se dépasser, mais en même temps qui leur permette de s’épanouir et de ne pas se sentir oppressé.

Pour toi, à quoi ressemblera le travail dans 10/20 ans et pas juste dans les startups mais en général ?

J’avoue que j’ai un souhait : ce serait que, ce qu’on est en train de créer comme environnement avec les startups, devienne l’environnement que toutes les entreprises utilisent. Ceci évidemment avec des organisations qui sont différentes à grand échelle parce que je sais bien qu’à 40, nous n’avons pas les mêmes problématiques qu’à 10 000.

Cependant, j’espère qu’on sera dans un environnement où les gens se battent ensemble, dans un objectif commun, pas un environnement où le combat entre les salariés et l’employeur devient une problématique centrale pour la survie ou pour la croissance de l’entreprise parce qu’elle paralyse l’entreprise.

C’est pour ça que je suis de près tous les axes politiques qui pourraient faire avancer les choses, par exemple je suis un fervent soutien de l’actionnariat salarié, ça pour moi c’est une évidence, je ne comprends même pas qu’il y ait des taxations qui soient liées à ça…Tout le monde a à y gagner de rendre les salariés actionnaires !

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Auteur(s)

  • Rédactrice en chef de Change the Work, j'explore le travail sous toutes ses coutures en espérant montrer l'importance du métier RH dans l'entreprise de demain...

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