Quel peut bien être le lien entre UGC (User Generated Content) et e-learning ? On observe, il est vrai, une utilisation croissante du contenu généré par les utilisateurs — des contenus de formation produits par les utilisateurs — dans le domaine de la formation et du développement des connaissances en entreprise.
Selon le cabinet Gartner, ce sont aujourd’hui plus de 80 % des entreprises qui exploitent le contenu UGC à des fins d’apprentissage dans le cadre de leur stratégie de formation et de développement des compétences, tandis que les outils collaboratifs d’entreprise contribuent à renforcer cette tendance.
La propension à l’utilisation de l’UGC en entreprise est en partie due au mimétisme du contenu partagé volontairement sur les réseaux sociaux. Véritable DIY de la formation, l’UGC a un double avantage :
- produire rapidement des contenus de formation ;
- partager les savoirs utiles au plus proche des besoins des apprenants.
Comment tirer parti de l’immense popularité de la création de contenu par les utilisateurs — en l’occurrence vos collaborateurs — et exploiter cette soif de le partager au sein d’une organisation ?
UGC et e-learning, pourquoi ça fonctionne ?
L’utilisation du contenu généré par des utilisateurs est au cœur d’une discipline plus vaste qu’est le social learning. Le principe est simple : votre entreprise est une source de savoirs inépuisable ! Vos collaborateurs possèdent des connaissances précieuses ; donnez-leur l’opportunité de créer du contenu et de partager leurs compétences !
Utilisé correctement, le social learning mérite qu’on s’y intéresse. McKinsey suggère que certains secteurs d’activité pourraient augmenter leur productivité de près de 25 % s’ils mettaient pleinement en œuvre les technologies sociales.
Concrètement, l’UGC appliqué au secteur du e-learning permet plus de réactivité. En effet, on anticipe les besoins de formation (puisque la demande de formation ne vient plus d’en haut). Toute personne disposant d’un savoir peut alors le proposer et le partager pour combler une lacune qui a été observée dans la société.
Cette évolution est rendue possible par plusieurs éléments, mais surtout par le fait que les plateformes d’expérience d’apprentissage émergentes permettent de faciliter la création et le partage de contenu par les utilisateurs, favorisant un environnement de travail et d’apprentissage plus ouvert.
Chez Deloitte, un blog a par exemple été créé en interne pour partager les divers problèmes rencontrés par les consultants juniors en mission chez le client. Les réponses sont apportées par des consultants seniors par le biais d’une courte vidéo ou d’un message audio.
En définitive, on n’apprend jamais tout seul dans son coin et l’UGC n’est qu’une matérialisation d’un savoir facilement partageable.
Chez Leroy Merlin, la création de contenu par les utilisateurs est fortement utilisée pour faire monter en compétences les nouvelles recrues ou pour rebooster certains collaborateurs avec de l’expérience qui se sentent un peu « oubliés » :
« Nous avons développé des fonctionnalités pour augmenter l’utilisation du social learning et la volonté d’apprendre ensemble, notamment pour les fonctions logistiques, car l’expérience et la débrouillardise y priment souvent sur le savoir “pur”. Par exemple, lors des stages d’intégration de nos nouveaux collaborateurs, nous nous servons du live pour apprendre de façon collective.
Le digital est aussi utilisé pour permettre aux salariés plus expérimentés de partager leurs “bons conseils” en vidéo sur une plateforme accessible à tous. Ce n’est pas parce qu’il y a du digital qu’on est condamné à apprendre tout seul dans un coin. On veut laisser sa place au capital humain dans l’apprentissage. », Thibault Galy-Dejean, responsable du pôle Edtech, Leroy Merlin.
À retenir : Dans la formation professionnelle, les principaux avantages de l’UGC sont les suivants :
- le contenu est fourni par des opérationnels/experts métiers ;
- il contient généralement des informations sur les connaissances pratiques et techniques de la situation réelle. Ce contenu est donc directement pertinent pour les apprenants ;
- il représente une alternative intéressante à la création de contenu dans un contexte où la distanciation sociale ou le confinement seraient nécessaires.
Un piège grand ouvert pour les e-learning managers
Source inépuisable d’informations parfois insoupçonnée, l’UGC est néanmoins un outil à double tranchant.
Souvent pressé d’apporter de la nouveauté et de la fraîcheur à ses modules de formation, le e-learning manager peut facilement tomber dans le piège de l’utilisation non maîtrisée de l’UGC : amateurisme du contenu ou redondance de certaines thématiques et, par opposition, absence de contenu sur les sujets importants sont les principaux travers dans lesquels il est facile de tomber.
Chez Safran, cette problématique a été bien identifiée : « Si l’UGC semble être une bonne affaire pour tous, y compris pour échapper au goulet d’étranglement de la production de contenu e-learning, le recours à l’UGC est régi par certaines règles strictes », affirme Stéphane Dubois, le DRH. « Pour des raisons de transmission d’un savoir hautement technique et aussi pour garantir une certaine confidentialité dans le partage de l’information, tout contenu créé par un salarié subit un double traitement : une modération par un expert métier et un partage limité au personnel “potentiellement intéressé” par le contenu en question. »
UGC et e-learning : les bonnes pratiques
Selon le degré d’autonomie laissé, le digital learning manager aura donc un rôle de gardien du temple en ce qui concerne l’UGC. Il doit veiller à ce que le contenu posté soit positif et pertinent. Il joue aussi un rôle de modérateur, l’objectif étant de vérifier les différents échanges qui se font au sein du LMS (Learning Management System). Une fois les apprenants bien engagés dans cette dynamique de production de contenu, le e-learning manager pourra tenir un répertoire du contenu produit.
Par la suite, il pourra proposer des sujets de nouveau contenu afin d’éviter les redondances et maintenir l’engagement de ses apprenants. Il pourra aussi proposer un accompagnement des apprenants dans la production de leur premier contenu (installation, scripts, conseils divers).
À retenir : Quelques conseils pour favoriser l’UGC au sein de votre organisation :
- partager le contenu : valoriser le contenu produit par les apprenants, montrer votre intérêt et encourager d’autres apprenants experts dans leur domaine à faire de même ;
- activer la notation des contenus entre apprenants ;
- publier des annonces régulières pour inciter les experts métiers à produire du contenu ;
- proposer un accompagnement pour les premières vidéos.
L’UGC pour faire émerger des communautés d’experts
Pendant la crise sanitaire, le groupe informatique Cisco s’est retrouvé face à une nouvelle problématique : continuer à faire circuler l’information et encourager l’innovation alors que tous ses salariés s’étaient retrouvés à travailler depuis chez eux du jour au lendemain.
Avec la création d’une campagne nommée @WeAreCisco sur le réseau social interne, les forces vives de l’entreprise ont été encouragées à partager leurs idées neuves et leurs bonnes pratiques par le biais de courtes vidéos “how to”. Par effet de mimétisme, l’UGC a servi de catalyseur de savoirs et de savoir-faire.
À la fin du confinement, les « bonnes habitudes » ont été conservées. Des groupes d’experts métiers se sont formés de façon spontanée pour continuer à partager le savoir de manière informelle.
Chez IBM, le social learning a aussi été mis au service de l’intelligence collective : ce sont pas moins de 60 communautés d’experts qui se sont formées au fil du temps. Les membres de chaque communauté approfondissent leurs connaissances en interagissant sur une base continue et à long terme ; ils développent ensemble de bonnes pratiques applicables à leur métier ou transférables à toute l’entreprise.
On parle alors de « communauté de pratiques » : des groupes de personnes qui se rassemblent afin de partager et d’apprendre les unes des autres, face à face ou virtuellement. Elles sont tenues ensemble par un intérêt commun dans un champ de savoirs et sont conduites par un désir et un besoin de partager des problèmes, des expériences, des modèles, des outils et les meilleures pratiques.
Auteur(s)
- Sarah Akel
Rédactrice en chef de Change the Work, j'explore le travail sous toutes ses coutures en espérant montrer l'importance du métier RH dans l'entreprise de demain...