Télétravail imposé : et si tous vos collaborateurs déménageaient sans vous prévenir ?

Télétravail imposé : déménagement des salariés

Télétravail imposé et crise sanitaire : comment gérer les collaborateurs qui déménagent sans prévenir ? 

En seulement quelques mois, la crise de la Covid a profondément modifié nos modes de vie, notre façon de travailler, notre perception de l’avenir et nos envies. Chez de nombreux salariés, notamment les cadres supérieurs, la crise sanitaire a fait naître des envies d’ailleurs. Beaucoup de responsables RH sont aujourd’hui confrontés à des salariés qui quittent les grandes villes et veulent pouvoir accorder leur travail avec leur nouveau mode de vie. 

Comment gérer ce nouveau phénomène en douceur pour éviter toute crispation et préserver un environnement de travail agréable et productif ? 

Exode urbain ? 

Plus qu’un épiphénomène, c’est à un véritable exode urbain que les entreprises sont confrontées. Elles affrontent une vague de déménagements inopinés de la part de leurs salariés. C’est en quelque sorte le revers de la médaille du télétravail imposé pendant la crise de la Covid. Libérés de la contrainte géographique, cadres et salariés ont délaissé leur deux-pièces pour une maison avec jardin, à la recherche de plus d’autonomie, d’indépendance et d’espace.

À la question : « Est-ce que les périodes de confinement vous donnent envie de changer de logement ? », 38 % des locataires des grandes agglomérations françaises répondent positivement. Et 60 % d’entre eux sont même prêts à déménager dans les douze prochains mois. (Sondage Orpi Immobilier, décembre 2020)

Une enquête menée par l’ANDRH (association nationale des DRH) révèle que plus de 30 % des directeurs des ressources humaines font actuellement face à des problématiques liées à des salariés qui ont changé de lieu de résidence sans prévenir leur employeur et qui émettent le souhait de réduire au maximum leurs jours de présence au bureau. 

Dans certaines entreprises on constate même un effet “boule de neige”. Ainsi, au service achat de l’entreprise Saint-Gobain “plus d’un tiers de mon équipe a pris la poudre d’escampette pour la province ou pour la lointaine banlieue parisienne”, confie Aurélie A, qui elle aussi commence à avoir des idées d’ailleurs.

Souvent mis devant le fait accompli, les services RH se retrouvent avec la délicate tâche de proposer une réponse rapide, juste et proportionnée à leurs collaborateurs. 

Que dit la loi ? 

En principe, le salarié est libre de choisir son domicile ; son lieu de résidence fait partie de sa vie privée. Selon le Code du travail, son employeur ne peut ni le discriminer ni le sanctionner en raison de son lieu d’habitation. Insérer une clause de résidence dans un contrat de travail est donc illicite et susceptible d’être invalidé par la justice.

« Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. » (Extrait du Code du travail)

Rien n’empêche donc un salarié de déménager loin de son lieu de travail s’il continue à respecter le contrat signé à l’embauche. Il doit cependant informer son employeur de sa nouvelle adresse postale : c’est une obligation.

Quels droits l’entreprise peut-elle faire valoir ? 

Si l’entreprise ne peut pas s’opposer à un déménagement — même sans en avoir été informée —, elle est toutefois en mesure de fixer des règles liées au télétravail en accord avec les partenaires sociaux. 

Il est donc tout à fait possible et légal pour une structure d’interdire à ses salariés de travailler au-delà d’une certaine distance par rapport au bureau ou de déterminer un nombre maximum de jours de télétravail par semaine. Dans ce cas, l’entreprise doit évoquer des raisons légitimes et les justifier. 

Par exemple, une organisation peut considérer qu’une communication 100 % virtuelle nuit à la productivité globale de l’équipe. Elle peut aussi invoquer le fait que certains métiers nécessitent par définition une présence physique sur le lieu de travail.

Le risque d’un rapport de force 

Dans les faits, cependant, le télétravail s’est le plus souvent installé progressivement sans être encadré ni figé. Celui-ci a même permis à de nombreuses entreprises de survivre à la crise grâce à des équipes en remote qui, dans un premier temps, ont fait l’effort d’adapter une partie de leur mode de vie. 

Au-delà des droits et des devoirs de chacun, la possibilité d’un rapport de force néfaste est toujours possible entre des collaborateurs pour qui le télétravail est devenu un acquis et une entreprise qui souhaite conserver le leadership sur le « travailler ensemble ».

Conséquence directe : pour un salarié qui a déménagé sans prévenir pendant la crise sanitaire, la question de la réversibilité (d’un retour au bureau) peut rapidement mener à envisager la rupture du contrat de travail.

Heureusement, les solutions pour ne pas s’enfermer dans un dialogue de sourds et éviter les conflits existent.

Dialogue et négociations

Face à cette vague de déménagements, les entreprises perdantes seront celles qui nieront l’ampleur du phénomène. De nombreuses organisations ont d’ailleurs pris le taureau par les cornes pour encadrer les pratiques du travail à distance en signant des chartes et des accords avec les représentants du personnel dès le début de la crise sanitaire. 

Chez Malakoff Humanis (assurance), depuis le 15 juin, l’entreprise accueille à nouveau tous ses collaborateurs sur site, avec une présence de deux jours par semaine, dont un fixe. Au 16 juillet les salariés du Groupe bénéficient donc de 3 jours de télétravail par semaine. 

Dans l ‘accord signé avec les syndicats, “le télétravail peut dorénavant être exercé en tout lieu sur le territoire français, après information et concertation avec le manager, si les conditions de sécurité sont réunies. Le télétravail n’est ainsi plus limité au seul domicile du salarié”

« Sur 96 500 accords signés pendant la crise sanitaire, 25 % concernent le télétravail. » (Source : ANDRH)

Les quatre principaux points abordés dans ce type de négociations sont le remboursement du titre de transport, l’indemnisation des frais du télétravailleur, le nombre de jours de présence au bureau et la question des personnes vulnérables. Dans ce dernier cas, c’est à la médecine du travail de trancher.

Trois règles à respecter dans toutes les phases de dialogue avec les salariés : pas de favoritisme, pas de cas particuliers et des managers exemplaires par rapport aux accords qui seront signés. 

Accompagner les changements

Considéré comme un usage, le « 100 % télétravail » qui a donné lieu à ces déménagements soudains peut certes être remis en cause par les entreprises, mais il n’y aura de toute façon pas de retour en arrière. L’enjeu qui se cache derrière cet exode inattendu est donc la question du rapport au travail et le rôle que l’entreprise de demain doit y jouer. Et les DRH l’ont bien compris : 

 « Il faut réorganiser les équipes, redéfinir les métiers, trouver des accords et former, notamment les manageurs et les encadrants intermédiaires, particulièrement exposés à ces changements. » (Communiqué de l’ANDRH, juin 2021)


Le travail de demain sera hybride, un savant mélange de présentiel et de télétravail. Espaces de coworking en province, outils collaboratifs ou réaménagement des open-spaces : les entreprises ont tout à gagner à  s’ouvrir au changement et à trouver des solutions de travail plus flexibles pour les collaborateurs qui sont désormais loin du bureau.

Auteur(s)

  • Rédactrice en chef de Change the Work, j'explore le travail sous toutes ses coutures en espérant montrer l'importance du métier RH dans l'entreprise de demain...

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