Le professeur de management américain Peter Senge définit l’organisation apprenante de la manière suivante : «Une organisation où les gens développent sans cesse leur capacité à produire les résultats qu’ils souhaitent, où des façons de penser nouvelles et expansives sont favorisées, où l’aspiration collective est libérée et où les gens apprennent continuellement à apprendre ensemble. »
Dans un monde où le rythme des changements et l’obsolescence des compétences s’accélèrent, où la transformation digitale fait émerger des enjeux inédits d’upskilling et de reskilling, où l’évolution du marché du travail et des événements imprévus comme la crise sanitaire viennent sans cesse rebattre les cartes, devenir ou demeurer une entreprise apprenante, c’est renforcer sa compétitivité et sa capacité à se projeter dans l’avenir.
Une question de culture avant tout
C’est à son état d’esprit et à sa culture d’entreprise que l’on reconnaît une organisation apprenante. Une valorisation de l’apprentissage de la curiosité et de l’humilité envers tout ce qu’on ne sait pas encore, voilà l’ADN d’une organisation qui souhaite progresser en s’appropriant de nouveaux savoirs. Avant de parler de modules de formation, de séminaires, de workshops ou de coaching, l’entreprise apprenante doit commencer par définir ou redéfinir sa vision autour d’une philosophie de l’apprentissage.
Dès les années 80, le constructeur automobile Volvo a été l’une des premières entreprises à mettre en place de manière volontaire une organisation apprenante. Des équipes polyvalentes et autonomes pouvaient décider collectivement de leurs méthodes de travail et fixer leurs objectifs de production.
Cette stratégie organisationnelle visait à augmenter les capacités d’apprentissage des salariés et leurs compétences transversales (organisationnelles, sociales et cognitives). Les modes de travail de type « résolution de problèmes complexes » étaient fortement encouragés. Volvo est ainsi devenu un exemple emblématique du modèle d’apprentissage scandinave.
Identifier les opportunités d’apprentissage en interne
Une entreprise doit connaître de manière précise les compétences dont elle dispose à l’instant T pour être en mesure de les mobiliser le moment venu. À intervalles réguliers, dresser une cartographie des compétences est une étape indispensable. Ces informations permettent de faciliter le partage des bonnes pratiques, de valoriser les talents et de mieux prévoir l’avenir en ajustant le plan de recrutement en fonction des vrais besoins.
Ces opportunités doivent d’ailleurs être identifiables dès l’arrivée d’une nouvelle recrue. Chez Facebook, chaque nouveau venu est accompagné par une marraine ou un parrain qui l’aide à se fondre dans une culture de partage et de mentoring le plus vite possible.
Inclure l’apprentissage dans le quotidien
Créer du temps de cerveau disponible pour qu’apprendre devienne un réflexe. On appelle cela des « espaces-temps » d’apprentissage qui peuvent prendre plusieurs formes :
- des événements « longs » de type “learning days” : des échanges entre direction et équipes sur des thématiques structurantes comme la stratégie, le business, etc., comme le fait Natixis avec son “We love learning” ;
- des modules d’e-learning “off the shelf” disponibles à tout moment pour compléter son savoir et faire face à une situation réelle comme un changement de poste ou une mission transverse ;
- des moments d’inspiration courts et périodiques comme des “learning-breakfasts” chez L’Oréal ou des hackathons chez Stripe, la licorne irlandaise.
Instaurer l’apprentissage par le collectif
Apprendre par contact avec l’autre, par mimétisme, a toujours été efficace. Quand il est bien organisé, l’apprentissage social (le social learning) contribue deux fois plus à l’acquisition de nouveaux savoirs que les formations 100 % académiques.
Chez DBS Bank, tout collaborateur peut recevoir l’équivalent de 1 000 euros pour une formation professionnelle de son choix s’il s’engage à partager ses nouvelles connaissances avec au moins dix personnes en interne.
Autre initiative chez l’assureur santé Alan : la multiplication des approches d’accompagnement en “one-to-one” avec du speed-coaching le vendredi matin, un système de mentoring et la possibilité de faire appel à des coachs externes par visioconférence en cas de besoin.
En définitive, une entreprise apprenante est bien plus qu’une structure qui favorise l’apprentissage de ses salariés, c’est une organisation qui elle-même apprend, s’adapte et organise petit à petit la capitalisation, la captation et le partage du savoir.
Auteur(s)
- Sarah Akel
Rédactrice en chef de Change the Work, j'explore le travail sous toutes ses coutures en espérant montrer l'importance du métier RH dans l'entreprise de demain...