Legisway, éditeur de logiciels de pilotage de contrats, compte aujourd’hui parmi ses salariés, 60% d’actionnaires. Jusqu’en 2011, c’est des investisseurs externes, comme la Société Générale, qui détenaient deux tiers du capital avant que le président-directeur général de l’entreprise, Jérôme Teissier, n’en organise la sortie. Il leur fallait remplacer ces ressources financières, et il s’est alors tourné vers les employés, déterminé à croire qu’un actionnariat salarié pouvait porter ses fruits.
“En tant qu’entrepreneur, il me semblait important de proposer à ceux qui le souhaitent, de les associer à la réussite de l’entreprise, et l’occasion m’était donnée de leur permettre d’acheter des actions dans de bonnes conditions” Jérôme Teissier.
L’exposition du projet n’a pas tardé à concrétiser cette idée. Le contenu de la démarche, le détail du montage financier, les projections de la valeur de l’entreprise sur les années à venir ainsi que les conditions de vente et d’achat inclus dans le pacte actionnaire (les mêmes pour tous), ont alors été abordés lors d’une présentation qui rassemblait l’ensemble des collaborateurs, dont 40% ont décidé, en premier, de sauter le pas. 26% du capital de la société se trouve donc entre leurs mains et, jusqu’en 2015, plus d’un million d’euros de dividendes ont été distribués avec 10% de rentabilité brute par an, en moyenne. Bien-entendu, ce système n’a aucune incidence sur les rémunérations variables et les primes qui n’en dépendent pas. Ce qui, par conséquence, ne pénalise pas les salariés qui ne s’engagent pas à être actionnaire au sein de l’entreprise.
Que représente cet actionnariat salarié pour les collaborateurs qui y sont impliqués, ainsi que pour les dirigeants de Legisway ? Est-ce une pratique en vogue ?
Actionnariat salarié : aligner les intérêts de l’entreprise et des salariés
Tout d’abord, cet actionnariat salarié engage l’entreprise, auprès de ses collaborateurs, à être transparente, et donc à préciser toutes les informations la concernant : “tous les actionnaires sont conviés aux deux assemblées générales annuelles. Nous mettons tout à plat : chiffres d’affaires, ventes, objectifs et risques. De là naît une meilleure compréhension des rouages de la société mais aussi une solidarité entre les services et des idées. Le fait que chacun ait fait I’effort d’acheter un petit morceau de Legisway crée une synergie incroyable ».
D’ailleurs, d’après le sondage OpinionWay pour BDO France et Eres conduit auprès de 700 entreprises non cotées en 2016, les motivations “aux aspects RH” de l’actionnariat salarié ont clairement été explicitées, surtout dans la mesure où c’est les bénéfices salariés qui sont les plus importants (53%). Ce choix a donc été motivant pour les entreprises, en partie parce qu’ils pensent que cela implique plus fortement leurs collaborateurs (44%), qu’il leur permet de partager le profit avec eux (36%), et de les fidéliser (36%).
Ensuite, l’actionnariat salarié permet de les engager dans la politique RH de l’entreprise, sur les thématiques qui concernent la gestion des bénéfices, le recrutement, et l’investissement dans la recherche et le développement. Les assemblées générales annuelles ne suffisent pas à en débattre et donc en parler fait partie du travail quotidien, donnant lieu à des décisions parfois originales. Aujourd’hui, c’est même devenu un élément intrinsèque à la culture d’entreprise de Legisway.
Enfin, si elle n’a toujours pas de plan d’épargne entreprise à ce jour, l’administration fiscale de la société gère les mouvements de titres et les comptes des actionnaires auxquelles elle reste très attentive. Un “marché interne” a même été créé pour remédier au problème de liquidité, et qui autorise chaque salarié actionnaire à revendre ses actions dans l’entreprise. En cas de besoin et si ce salarié ne trouve pas d’acheteurs, le PDG intervient (sans pourtant y être obligé) afin de racheter l’action lui-même. “La démarche donne du sens à leurs missions parce qu’ils savent pourquoi ils les font”, insiste Jérôme Teissier.
En France, l’actionnariat salarié existe chez le groupe Auchan depuis 1977, et compte 163000 collaborateurs impliqués dans neuf pays du monde, avec 10% du capital total à leurs mains. Pierre Fabre, troisième laboratoire pharmaceutique français, a lancé son plan à ce sujet depuis plus de dix ans et s’en est même vu récompensé en 2012, tout en gardant, depuis, son indépendance et son bon fonctionnement. Son taux d’actionnariat dans le monde est, à ce jour, de 75%. Chez Polylogis, bailleur social, leur dispositif d’actionnariat salarié rassemble 300 collaborateurs et leur permet de développer une épargne salarié.
Auteur(s)
- Margaretta El Khoury
Passionnée par les innovations managériales et les éternelles révolutions du monde du travail, j'accompagne les sociétés dans l'évolution de leurs organisations et leurs pratiques. Bref, Tocqueville le jour, Hemingway la nuit !