Lean : bonne ou mauvaise pratique ?

Lean : Bonne ou mauvaise pratique ?

Le concept du Lean doit sa naissance au Toyota Production System (TPS) sur lequel les chercheurs du Massachussets Institute se sont penchés pour tirer les conclusions du succès fulgurant du constructeur multinational japonais d’automobiles et en créer un livre.

Par la suite,  le Lean est devenu une approche d’organisation du travail de plus en plus adoptée par les entreprises. Il soutient le concept d’amélioration continue dans le but de renforcer l’efficacité ainsi que la qualité, et permet la réduction des cycles de production,  l’optimisation de la productivité ainsi que la diminution des coûts (fixes et variables) et donc contribue à promouvoir la compétitivité. La philosophie de ce “partenaire minceur” est de lutter contre le gaspillage de temps, d’efforts ou d’argent, et les techniques qui sont alors utilisées permettent d’identifier et analyser les étapes d’un processus business pour en réviser ou en supprimer celles qui ne créent pas de valeur.

Le facteur principal de la réussite de ce “Taylorisme à visage humain” est le capital humain. La mobilisation et la motivation du personnel sont le moteur de l’entreprise qui met en place un système de management Lean. Son fonctionnement repose alors sur une démarche collaborative, ses principes rendent donc compte de la satisfaction des salariés et des bonnes conditions dans lesquels ils travaillent.

Ce modèle d’organisation se répand de plus en plus dans toutes les industries. Mais est-il réellement le Saint Graal du management au 21ème siècle ? Zoom sur des retours d’entreprise.

Le Lean source de stress pour les salariés ?

Lean vs Qualité de vie au travail

Cette nouvelle organisation semble ne pas être, pour beaucoup de salariés et d’experts, aussi bonne en pratique qu’en théorie. En 2011, Alain Rojon, spécialiste du lean chez PSA, avait déjà signalé que « 97% des entreprises qui mettent en place le lean s’en servent uniquement pour augmenter la productivité ».

Par exemple, pour garantir efficacité et rentabilité, dans sa dynamique, le Lean favorise la division du travail en répartissant les missions, les rôles et les objectifs des employés de l’entreprise qui l’adopte. Ce fut le cas d’Airbus à Saint-Eloi. Un de leurs chaudronniers-soudeurs, Pierre, a vécu ce changement organisationnel. Avec l’accélération du rythme de travail et la spécialisation à laquelle il est “contraint” de se tenir, ses inquiétudes augmentent et son sentiment de dévalorisation plafonne : « J’ai peur qu’on se spécialise toujours plus dans des tâches uniques pour produire plus. J’ai de moins en moins l’impression que mon savoir-faire est utile, alors que je fais ce métier depuis plus de cinq ans. Si cela continue, tout le monde pourra être remplacé facilement parce qu’il ne fait qu’une seule tâche dans un ordre très précis ».

Un autre reproche pointe son nez, et concerne la santé des travailleurs. Si pour les promoteurs du Lean, ce dispositif permet de limiter les déplacements et les mouvements non-productifs pour mieux régulariser les activités et gagner en productivité, les spécialistes de la santé ne sont pas du même avis. Bernard Michez, ergonome, déclare justement que « la répétition des gestes courts est susceptible de provoquer de nombreux troubles musculo-squelettiques (TMS) ». Son collègue, Fabrice Bourgeois, ajoute : « On explique au salarié qu’il est gagnant car il va moins se fatiguer. Or c’est faux puisque les déplacements peuvent être des ressources, des temps où l’on repose les muscles qui travaillent, où l’on réfléchit aux prochaines étapes et où l’on peut interagir avec ses collègues. »

Toujours en ce sens, la commande vocale de Lidl, qui a récemment fait l’objet de nombreuses critiques suite à l’enquête de Cash Investigation, a mis le doigt sur son abus du lean management. Cette nouvelle technologie semblait être, pour les dirigeants de la société, l’occasion d’améliorer leur productivité. Ceci dit, elle finit par accroître la souffrance des ouvriers qui l’ont sur les oreilles toute la journée, augmenter les risques d’accidents au travail et empêcher toute socialisation entre collègues.

Si cette organisation pose ses bases sur une politique de coopération entre les collaborateurs, selon Antoine Valeyre, chercheur au Centre étude de l’emploi, cela peut être encore plus nocif. En effet, « il y a un effet d’engagement, c’est-à-dire qu’ils ont l’impression de ne pas pouvoir dénoncer un système qu’ils ont contribué à mettre en place », détaille Bernard Michez.

Le Lean pour une meilleure qualité au travail

Le Lean, pour une meilleure qualité au travail

Dans l’adaptation de beaucoup d’entreprises à ce système organisationnel, le respect des capacités de réflexion des salariés et l’excellence dans leur travail qui en découle, est centrale.

Chacun devrait avoir l’opportunité, à son poste de travail, d’apprendre et de savoir réagir aux situations imprévues. Cela renforce donc le sentiment d’autonomie et encourage les acteurs à faire des initiatives sans forcément devoir consulter leurs supérieurs hiérarchiques à chaque fois. Au contraire, avec le leader de son équipe, l’employé devrait pouvoir partager sa vision et c’est ainsi qu’ils pourraient alors travailler ensemble. Marie-Pia Ignace, présidente de l’Institut Lean France explique que « cela revient à se mettre d’accord sur ce qui est le mieux pour le client. Et ensemble, ils définissent comment ils peuvent réussir ».

L’exemple d’Aramis Auto illustre parfaitement ces propos. Le leader français de la vente en ligne de voitures a récemment reconstruit l’offre de son produit avec ses opérationnels, mécaniciens, et carrossiers de l’usine. Nicolas Chartier, co-fondateur de la société, souligne l’importance d’être plus un “coach” qu’un “donneur d’ordre”. Pour lui, un manager « accompagne l’opérateur qui est constamment en apprentissage ». D’ailleurs, même les managers peuvent se retrouver en situation de difficulté, et ils sont donc eux aussi accompagnés par l’entreprise qui les aide à « avoir une bonne connaissance du terrain et du secteur dans lequel on travaille ».

Facebook a, lui aussi, choisi le Lean management en pronant le système du “Failfast”. Ce système permet d’indiquer les probables défaillances pour ne pas que les entreprises se mettent à poursuivre des processus potentiellement défectueux. Concrètement, chez Facebook, ils lancent rapidement des projets ou des produits et obtiennent des retours clients en fonction desquels ils ré-adaptent leurs manœuvres. Non seulement cela leur permet de gagner en dépenses, mais leurs salariés ont aussi moins de chances de se lancer dans un travail qui soit n’aboutit à rien, soit débouche sur un échec, et favorise donc leur satisfaction au travail.

Auteur(s)

  • Passionnée par les innovations managériales et les éternelles révolutions du monde du travail, j'accompagne les sociétés dans l'évolution de leurs organisations et leurs pratiques. Bref, Tocqueville le jour, Hemingway la nuit !

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