Ces dernières années, le nombre grandissant d’études chiffrées a mis en lumière la relation entre bonheur au travail et taux de performance et de productivité pour les entreprises. Aujourd’hui, l’exemple de l’amélioration des conditions de travail du groupe Armor, spécialisé en technologies d’impressions et encres chimiques, et sa responsabilité sociale au niveau du développement durable, ne manquent pas d’impressionner.
Le triste bilan établi en 2004 avait conduit son nouveau PDG, Hubert de Boisredon, à reconfigurer l’organisation de l’entreprise en instaurant un management par la confiance et en priorisant le bien-être de ses salariés. Suite à cette restructuration, le chiffre d’affaires de l’entreprise avoisinait déjà 240 millions d’euros en 2015 mettant à l’abri le groupe et ses 2 000 collaborateurs dans le monde dont 680 en France, du risque d’être racheté par un de ses concurrents. Comment expliquer ce revirement de situation ? Quel avait été le plan de restructuration ? Décryptage.
Bien-être au travail : des chiffres alarmants
Il s’agit d’une constatation quasi unanime : la plupart des entreprises établissent une corrélation entre la santé et les performances de leurs employés. À ce titre, Mozart Consulting qui, à travers son indice de Bien-être au Travail, affirmait en 2017 que “pour les 18,3 millions de salariés du secteur privé, l’impact du mal-être au travail représente un coût moyen par salarié de 12 600€ dont 77% sont dus aux désengagements réciproques entreprise/salariés, et 23% aux non-disponibilités de santé/sécurité.”
Les arrêts maladie et les taux d’absentéisme sont en grande partie représentatifs de ce manque de bien-être au travail, et constituent une des raisons pour lesquelles les firmes manquent d’atteindre leur potentiel succès. En France, dans les secteurs publics et privés, le nombre de journées d’arrêt de travail a grimpé de 7,5 % entre 2010 et 2016. La Caisse nationale de l’assurance maladie déclarait au même moment que cela leur avait coûté 7,1 milliards d’euros.
De plus, Malakoff Médéric a révélé dans ses dernières enquêtes, que parmi les 11% des salariés qui ont volontairement demandé un arrêt, 27% s’estimaient très malades, 22% très fatigués et 23% évoquaient leur santé psychologique.
Le bien-être des salariés ou le moteur de l’entreprise chez Armor
Pour pouvoir se redresser, Armor s’est tout de suite attaqué aux risques psychosociaux auxquels faisaient face ses collaborateurs : le développement humain est devenu un axe indispensable à traiter.
- Favoriser la communication interne
C’est ainsi que “les matinales du lundi” ont commencé à avoir lieu, pour encourager la participation active de l’ensemble des salariés du groupe, et se mettre à l’écoute de l’ensemble des collaborateurs.
Quatre heures, toutes les semaines, leur sont désormais dédiées par la direction générale. Un véritable moment de partage, l’occasion d’échanger et de proposer des idées : une pratique qui a ainsi favorisé l’implication et la motivation des équipes.
- Améliorer l’environnement de travail
Outre ces moments d’expression libre, Armor a totalement repensé l’environnement de travail. Ses bâtiments ont été rénovés et de nouveaux espaces ont été aménagés comme par exemple une cantine bio, une crèche, et une université interne. Les collaborateurs semblent aujourd’hui avoir retrouvé un sens à leur activité puisque le taux d’absentéisme a sensiblement baissé de 5 %.
Par ailleurs, Christophe Derennes, directeur industriel et directeur du pôle de compétences “Industriel Transfert Thermique” affirme : “Nous avions relevé un taux d’absentéisme jugé trop élevé et une montée en puissance des troubles musculo-squelettiques (TMS).”
- Introduire des séances d’activité physique
Sachant qu’il s’agissait de la première des maladies professionnelles dont souffrent les français, le groupe a pris en mains la situation en chapeautant le site industriel principal de l’entreprise, situé dans la région Pays de la Loire.
Le matin, un échauffement qui englobe différents types d’exercices et conduit par un spécialiste en la matière a été instauré afin de préparer l’ensemble des employés, physiquement mais aussi moralement. Et pour finir la journée en santé, des étirements leur sont également proposés en dehors du temps de travail.
Depuis, les accidents du travail ont été divisés par 10 et les jours d’arrêt qui en étaient la conséquence, par 20.
Quand Armor instaure le management par la confiance et le dialogue social partagé
“Lors de ma première réunion de direction, tout le monde se dévisageait. C’était la première fois que les cadres étaient invités à partager leurs idées. Jusque-là, il leur était interdit de rapporter à leurs pairs ce que le patron leur avait dit en tête à tête” affirme Hubert de Boisredon.
Il explique que “le management par la confiance est l’ingrédient qui permet de fédérer les équipes, de donner de l’enthousiasme, de libérer les énergies, de démultiplier l’esprit d’entreprise. Ce n’est pas moi qui porte Armor, c’est nous tous qui y travaillons, et chacun peut être contributeur de progrès, à condition que les initiatives positives soient reconnues.”
Depuis, il a voulu introduire le management de proximité qui n’exclut et ne contraint aucun type de personnalité différente au sein des équipes, et qui s’adapte au contexte de l’open innovation et de l’intelligence collective qu’il voulait voir fleurir au sein de l’entreprise.
Tout le personnel étant impliqué dans les projets de la société, c’est un travail de symbiose qui se dessine, les collaborateurs deviennent des acteurs piliers sans que cela ne signifie la fin de la hiérarchie pyramidale. Oser demander de l’aide, entreprendre des initiatives et briser la spirale de compétition entre individus est vital pour accroître l’efficacité collective.
Le dossier de presse de l’entreprise Armor, publié le 7 avril 2014, souligne son projet industriel ambitieux et son ouverture à tous les collaborateurs et partenaires qui souhaitent partager sa culture et sa vision à long terme, sachant que le groupe Armor se définit, lui même, comme “une entreprise humaine qui s’appuie sur l’implication et le savoir-faire de l’ensemble du personnel”.
Auteur(s)
- Margaretta El Khoury
Passionnée par les innovations managériales et les éternelles révolutions du monde du travail, j'accompagne les sociétés dans l'évolution de leurs organisations et leurs pratiques. Bref, Tocqueville le jour, Hemingway la nuit !