Depuis l’entrée en vigueur de la loi « Avenir professionnel » en janvier 2019, la formation professionnelle a pris une nouvelle tournure. Cette loi a pour but de faire en sorte que les salariés s’approprient leur droit à la formation et de réformer en profondeur l’apprentissage. Le compte personnel de formation (CPF) est encore assez méconnu par les salariés. Pourtant, les actifs ont 500 euros par an sur ce compte afin de financer des formations pour augmenter leur employabilité. De plus, une attention particulière est donnée au suivi des compétences des salariés à travers les opérateurs de compétences (OPCO) qui remplacent les organismes paritaire collecteur agréé (OPCA).
Cette loi favorise la certification pour s’assurer de la qualité des formations et le développement des compétences et de l’employabilité des salariés.
Dans ce contexte de transformation de la formation, l’organisme de formation Topformation est allé interroger 200 entreprises de toutes tailles et secteurs confondus dans le cadre d’une enquête réalisée en 2019. L’objectif est d’analyser les enjeux de la réforme de la formation professionnelle pour les entreprises et d’observer les différences de préoccupations par rapport à une même enquête réalisée en 2018.
Les manières de se former tendent à évoluer
Les tensions budgétaires des entreprises amènent à ce qu’elles s’intéressent à des formations plus flexible, efficaces et ayant un bon rapport qualité prix.
Les responsables RH évoquent le manque de temps disponible des salariés comme la première raison qui freine leur volonté de renforcer les compétences des collaborateurs. C’est le cas pour un RH sur deux. Les formations prennent en moyenne 2 jours par an par salarié. Il est difficile pour beaucoup d’entreprises de faire plus. En effet, il n’est pas toujours évident d’assurer les remplacements des salariés absents qui se forment plus de 2 jours par ans.
Pour répondre à cette problématique, il est plus intéressant pour les entreprises de segmenter davantage les temps de formations et de privilégier les formations à distance. Les organismes de formations ont tout intérêt à privilégier des temps de formations courts mais réguliers qui favorisent la mise en situation de l’apprentissage continu des collaborateurs. De plus, cela permet de créer ou de développer la culture d’apprentissage parfois délaissée par les dirigeants et les collaborateurs.
Pour une grande partie des RH interrogés (62%), la formation intra-entreprise reste l’option privilégiée. Cette modalité présente l’avantage de mobiliser plus facilement les collaborateurs, d’être donc plus flexible et de gagner du temps. Les entreprises sont également attirées par le digital learning : c’est le type de formation privilégié pour 41% des personnes interrogées. A noter que ce n’était le cas que pour 2% des personnes interrogées dans l’enquête précédente en 2018. Il est vrai que le digital learning répond à la contrainte de temps de d’argent des entreprises. De plus, il permet d’harmoniser la politique de formation pour les organisations éclatées géographiquement.
Par ailleurs, la formation interne occupe la troisième option privilégiée par les entreprises pour former ses collaborateurs justes derrière le digital learning.
Le blended learning semble être un compromis avantageux pour assurer des formations qualitatives avec un coût raisonnable.
L’émergence de la FOAD et de l’AFEST
Le développement de la formation à distance et l’action de formation en situation de travail (AFEST) est une priorité pour un tiers des RH en 2020. L’AFEST est mise en avant dans la loi sur l’avenir professionnelle de 2019. C’est l’occasion de se défaire de la sensation que le temps de formation est séparé du temps de travail. L’AFEST a pour objectif de mettre en place un dispositif qui reprend des situations de travails préparées en amont dans la perspective d’apprendre en faisant. Ce travail est poursuivi par un débriefing animé par un tiers.
L’AFEST est cependant encore assez méconnue des entreprises.
La difficulté de mettre en place l’apprentissage
La loi Avenir permet aux entreprises d’ouvrir leur propre centre de formation par l’apprentissage (CFA) dont le coût de fonctionnement est garanti par l’OPCO. Ce genre dispositif a l’avantage de créer un vivier de personnes à recruter qui correspondent réellement aux attentes de l’entreprise. Quand l’entreprise dispose déjà d’un centre de formation en interne, il est alors facile d’ouvrir un CFA. Seulement, pour les entreprises qui n’en ont pas, il faut créer un projet pédagogique.
Seulement 17% des entreprises s’intéressent à créer ce genre de projet. Un tiers d’entre elles ouvriraient un CFA seul et un cinquième avec d’autres entreprises.
Pour les entreprises qui n’envisagent pas cette option (83%), 35% évoquent le manque de temps et de compétences pour cela.
Afin d’augmenter le nombre d’entreprises à passer le cap, le ministère a mis à disposition un kit expliquant l’ouverture d’un CFA.
Après la gestion de projet, le bien-être au travail perdure
Même si pour la majorité des entreprises interrogées (87%), la priorité reste le renforcement des compétences dans le domaine spécifique des salariés, on observe une augmentation constante des préoccupations liées à la satisfaction au travail. Les raisons de cette préoccupation s’expliquent pour 27% par la volonté d’augmenter la productivité et pour 11% par le souhait de réduire le turn over.
Ainsi, les RH portent de plus en plus d’attention au développement des compétences transverses ou softs-kills et de la QVT. Pour un tiers de responsables RH, les softs kills des collaborateurs ont besoin d’être renforcées. Le travail en équipe, la gestion du stress, de son temps ou encore de ses émotions, sont ceux qui sont le plus cités.
La difficulté de mesure du ROI et de l’efficacité d’une formation
Cette difficulté peut en partie s’expliquer par le fait que les besoins ne sont pas encore assez bien identifiés dans les entreprises. Une entreprise sur 3 n’a pas de personne référente pour l’évolution des compétences. Par ailleurs, la personne qui mesure les besoins en compétences n’est pas toujours la même qui mesure l’efficacité des formations. Ainsi, l’enjeu de définir une liste de compétences mesurables avant et après la formation semble utile pour prendre des décisions pour les RH.
Les organismes de formations peuvent avoir ce rôle d’accompagnateur dans la mesure et la mise en avant de l’impact des formations. La difficulté de mesure se trouve dans le fait que cet impact est souvent dissous sur plusieurs années. Par exemple, en améliorant les soft kills, on peut améliorer le bien-être au travail et diminuer le turnover. Cependant, cela n’est visible que sur plusieurs années…
L’enjeu du CPF pour responsabiliser les salariés
A travers le CPF, la décision de se former revient salarié et non plus aux employeurs. Seulement, les salariés ne réalisent pas toujours les enjeux de développer et d’actualiser leurs compétences. Aujourd’hui, seulement 50% des salariés ont utilisé leurs droits CPF même si 76% des entreprises ont communiqué dessus avec eux.
Il est important que les entreprises mènent une politique CPF afin de responsabiliser les salariés sur l’évolution de leurs compétences dans un contexte où les innovations et la technologie rendent souvent rapidement obsolètes les formations.
Afin d’y parvenir, les entreprises peuvent augmenter leur communication autour du CPF, autoriser la formation sur le temps de travail ou encore compléter le financement de certaines formations. Seulement, les entreprises n’ont pas toujours un responsable formation pour s’occuper de cela. De plus, elles n’ont pas suffisamment de ressources pour assumer ce genre de politique CPF. « Désormais, les budgets formation sont en priorité́ utilisés pour les formations obligatoires, et il est trop chronophage pour notre entreprise d’inciter le salarié, non autonome, à passer certaines formations avec son CPF » explique un RH interrogé. Les Rh ont donc réellement besoin d’être accompagné à ce sujet.
Ce qu’il faut retenir
Depuis l’application de la loi Avenir, on assiste à une augmentation de L’AFEST et du digital learning. Les entreprises sont également de plus en plus préoccupées par la manière de mener à bien une politique de CPF avec leurs collaborateurs permettant de profiter au mieux de cette ressource. De plus, la mesure de l’efficacité et le ROI deviennent essentiels pour sélectionner une formation.
Le contexte actuel de tension budgétaire et de transformation des métiers rend ces enjeux d’autant plus importants. Les entreprises, les organismes de formation et les pouvoirs publics ont tout intérêt à collaborer ensemble pour faire face à ces évolutions.